UNION DES GAUCHES 2022

Gilles Bassignac / Divergence

Hugo Huon

interview.

Président du collectif inter-urgences

UDG. Le milieu hospitalier est animé de mouvements sociaux depuis des décennies. Encore en février 2020, 13 organisations de personnels hospitaliers réclamaient des négociations avec le gouvernement sur l’avenir de l’hôpital public. Hugo, peux-tu nous faire un rappel de le situation pré-COVID et des revendications majeures du personnel hospitalier ?

En Mars 2019 le mouvement des Urgences naissait, à la suite du mouvement des EHPAD puis de la Psychiatrie. Les revendications portées par des services différents – et ce dans de nombreux pays européens - sont les mêmes, preuves d’un malaise systémique :

 

  • Plus de lits/ de structures pour y mettre les malades,

  • Plus de soignants pour mettre autour de ces lits et ne plus se centrer sur le seul cure,

  • Plus de salaires pour pouvoir rendre effectif le recrutement sur ces créations de postes.

 

Ces revendications correspondent à une revalorisation globale du financement en santé. Sur cette question des moyens il convient de réformer en parallèle le business model, dont la tarification à l’activité qui, on le rappelle, a déstructuré les rapports humains par la mise en concurrence des services. La question des moyens est l’urgence, ce d’autant que c’est le volet le plus « facile » à mettre en place.


En parallèle, la rigueur a perverti à bien des niveaux le fonctionnement institutionnel et les relations entre acteurs. Il convient donc de plancher sur la question de l’organisation.

 

Ici il y a une profusion des discours selon l’idéologie soulevée et le curseur du libéralisme. De nombreux médecins plaident ainsi pour une liberté d’entreprendre plus grande et un investissement sur les nouvelles technologies. La posture du Collectif, constitué de paramédicaux, tend à sensibiliser plutôt sur les questions de care, de prévention, de santé publique. En gros, avant de dépenser dans des machines permettant aux médecins de gagner un peu de temps, commençons par nous assurer que la base du travail est bien faite.

Deux illustrations :

 

  • Plaider pour rendre possible la mise en place de mi-temps ville/hôpital paramédical. Par exemple, pour les soignants des urgences qui commencent à avoir des symptômes d’épuisement professionnel, leur permettre de travailler à mi-temps aux urgences et à mi-temps avec la municipalité. La construction de cours d’éducation en santé (soins d’urgences, orientation dans le système de santé, fonctionnement de l’institution hospitalière…) à direction de structures d’accueil du public type CCAS aurait ainsi plusieurs avantages :

 

  • Le maintien en poste au sein des urgences plus long, rendu possible par la diminution du temps de travail dans une structure éprouvante

  • La rencontre de la population dans un autre contexte que celui des urgences, vecteur d’agressivité, et ainsi de renouer avec du care

  • Doter les publics visés d’une meilleure capacité à traiter les questions de santé

  • Encourager les liens ville/hôpital et permettre à une institution fermée de s’ouvrir un peu plus.

 

  • Refondre entièrement le système managérial, en favorisant l’auto organisation des équipes. La posture du cadre de santé est importante comme relais au sein d’une équipe, comme tiers dans le cadre de conflits. La posture actuelle, « entre le marteau et l’enclume », ne peut être maintenue. Cela crée de la souffrance au travail pour les personnels d’encadrement comme pour les agents, pris dans une logique de système laissant peu de place à l’étude des individualités.

UDG. La crise actuelle a mis en avant les conséquences dramatiques d’une gestion libérale de l’hôpital public, avec des manques importants de matériel, de lits et de personnel. Selon vous, quelles conclusions devrait-on tirer de cette crise en termes de réforme de l’hôpital public ? Quelles mesures devraient être mise en œuvre ?

Plusieurs points sont à soulever :

 

  • Le confinement a eu lieu parce que les capacités d’accueil des hôpitaux étaient trop faibles. Le système de santé a donc un impact évident sur la crise économique à suivre. Cela prouve que les dépenses de santé ne doivent plus être vues comme des charges mais comme des investissements.

 

  • La gestion centralisée a eu des effets positifs et négatifs, notamment sur la gestion de la pénurie. Ainsi les directions ont perdu beaucoup de temps à laisser les ARS et le gouvernement aux manettes plutôt que de s’approvisionner par elles-mêmes. Il est probable que le top management en tire la conclusion d’une autonomie plus grande vis-à-vis des organes de tutelles.

 

Il faut deux plans pour l’hôpital, un sur les moyens et un sur l’organisation. De façon chronologique il conviendrait de :

 

Revaloriser les salaires soignants pour arriver à la moyenne des pays de l’OCDE (+300€), arrêter les plans de restructurations en cours visant à rationaliser les moyens, puis, organiser des états généraux de la santé incluant les usagers et les paramédicaux (a contrario de plans pilotés par des médecins et/ou politiques).

L’exemple qui se passe de mot à reprendre fortement dans les mois à venir est celui de la surmortalité en Seine Saint Denis. A partir de là, il est aisé de justifier la nécessité de revoir complètement la politique de santé publique en matière de prévention. C’est d’ailleurs un sujet central pour une « union de gauche », puisque les partis ont commencé à développer une conception de la santé bien plus large que celle communément admise (je pense aux écologistes et la mise en perspective de l’habitat par exemple).

Les systèmes existants doivent être réévalués : MIG, ROSP etc. Il convient d’en faire un axe majeur. Les mesures en faveur du partage du temps de travail entre un exercice hospitalier ou libéral et un exercice de santé publique paraissent être un bon axe.

UDG. Des inégalités existent entre l’hôpital public et l’hôpital privé. De quelle manière l’affectation des financements pourrait permettre de mieux prendre en compte les spécificités de l’hôpital public ?

UDG. De nombreux acteurs associatifs et syndicaux réfléchissent à l’avenir de l’hôpital public. Penses-tu que ces acteurs auraient leur place dans la logique d’union pour la présidentielle proposée par UDG 2022 ? Comment les associer ?

Ces deux secteurs sont évidemment essentiels, et cette question nous traverse nous aussi en ce moment.

La place des syndicats doit être réévaluée à la hausse, tout en les dotant en parallèle de meilleurs outils pour se soustraire à la vision encore trop « lutte des classes » présente. La place et l’implication des associations de proximité doit aussi être réévaluée. Les méthodes d'évaluation ne permettent pas non plus d'évaluer la qualité des soins et il est urgent de construire, en concertation, des indicateurs basés aussi sur l'expérience des usagers comme des paramédicaux. Une meilleure évaluation permettra des transformations plus vertueuses mais aussi de meilleurs arguments dans le cadre du dialogue social.

Quant aux associations d’envergure nationale, je ne sais pas. Au sein du Collectif je me pose la question en ce moment, faut-il essayer de proposer des plans ou laisser faire des individus peut-être plus prompts aux envies de gloriole, au risque d’en reprendre pour quinze années de mauvaise gestion ? Et qu’est-ce qui peut nous faire dire que nous serions meilleurs que d’autres ?

Il y a donc deux questions sous-jacentes : les enjeux autour de la sélection de groupements de personnes, associatifs et syndicats (qui on choisit, pourquoi, à quels risques) ; et l’implication de ces groupements dans une union à visée électorale.

Après, si la question est juste la place dans une proposition de programme commun c’est plus simple, rien n’empêche de faire une série d’auditions et de proposer du consultatif. Il conviendra juste de balayer large (sur un programme national, puisqu’encore une fois les enjeux sont complètement différents dans une élection locale). Mais probablement que des états généraux seraient une meilleure réponse. Sinon, et je le dis sans plaider pour ma paroisse, je porterai quand même à  cœur la sélection de groupements qui se sont opposés au système ces dernières années, puisque l’histoire leur a donné raison.